H. MARGOT

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SOLDATS DU 79e,

 C’est à vous que je dédie les lignes qui suivent. Elles vous donneront un résumé du rôle joué par votre Régiment pendant la guerre qui vient de finir.

Vous allez rentrer dans la vie civile, regagner vos villes, vos hameaux. Vous allez reprendre le travail interrompu, retourner à votre outil, à votre état. Le mot d’ordre qui~ pendant cinquante-deux mois, a été « jusqu’à la mort » est désormais: « Souvenez-vous »

Je ne dis pas souvenez-vous des horreurs que vous avez vécues: elles resteront en votre mémoire et les pages qui suivent vous en préciseront le détail. Mais pour la honte de l’Allemagne, n’oubliez jamais celles que vous avez vues; notre « doulce France » meurtrie dans ses villages, jusque dans son sol, la terre française si féconde ravagée, dispersée férocement. Sur maints champs de bataille que vous connaissez, pas une herbe ne repoussera où les « Huns » ont posé le pied : ce sera une preuve permanente qui appuiera le jugement de la Postérité. Gardez aussi votre souvenir aux chères maisons du front. Toutes, vous les avez de suite aimées : celles qui gisaient déjà tuées, comme celles que vous avez connues dans l’éclat de leur beauté. Habillées de blanc ou de rose, des fleurs au corsage, hospitalières inlassablement, avec leur sourire sous leurs coiffes d’ardoises brillantes ou de tuiles claires, elles ont mis quelquefois de chauds baisers sur vos fronts attristés par la longueur de l’épreuve. Et il en est tant parmi elles, qui, sous vos yeux, comme vous ont souffert lentement; il en est tant que vous avez vues tomber meurtries à jamais ; vous essayiez de les ranimer; c’était en vain.

Souvenez-vous surtout de nos Morts, de tous vos chefs, de tous vos camarades dont vous avez vu couler le sang, dont la belle jeunesse a été brisée à côté de vous, pour vous.

Mais, regardant l’œuvre accomplie, souvenez-vous que vous avez le droit d’être fiers. La Fortune a pu parfois vous être contraire: jamais vous n’avez failli à l’Honneur. Grâce à votre belle tenue morale, partout vous vous êtes montrés dignes de la confiance qu’avait en vous le Commandement. Pendant ces quatre années d’angoisses, de souffrances, de périls quotidiens où vous sentiez tous que se jouaient les destins de la France, de votre foyer, votre avenir, pas une seconde vous n avez faibli. Vous tenez maintenant la suprême récompense et vous saluez le vol lumineux de la Victoire et de la Paix.

Soyez fiers, parce que chacun de vous a été l’artisan de cette Victoire. En barrant à l’ennemi les routes de Nancy, de Calais, de Verdun, de Reims, vous avez brisé son élan. En tenant malgré vos souffrances à Langemark, en Lorraine, à Samogneux, au Mont Noir, vous l’avez déconcerté. En le prenant à la gorge à Neuville-Saint-Vaast, à la Butte du Mesnil, au Bois Y, au Chemin des Dames, à Villers-le-Sec, vous l’avez finalement abattu. Vous avez arrêté la destruction du territoire national, Puis mis entre l’ennemi et nous le fossé du Rhin. Vous avez sauvé notre Liberté. Je salue votre fourragère. Je salue les deux palmes et les trois étoiles d’or de votre glorieux Drapeau. Vous avez bien mérité de la Patrie.

Vous avez servi aussi la cause de l’Humanité. Vous avez abattu l’orgueil de l’Allemagne. Vous avez brisé sa force, par laquelle elle prétendait tenir sous sa botte le monde entier. Vous avez anéanti pour longtemps son rêve de domination. Grâce à vous, la France a été « la Jeanne d’Arc des nations ». Grâce à vous, les choses rentrent dans l’ordre et chaque peuple est de nouveau à sa place. Soyez fiers d’être Français.

Vous avez en outre le devoir d’être reconnaissants. Seuls, surpris, comme nous l’avons été en 1914, nous n aurions sans doute pas pu résister aux masses allemandes. Pour vous la Belgique s’est sacrifiée : elle s’est fait écraser. Les Anglais accourus ont fait en quelque mois le prodigieux effort que vous connaissez. L’Italie proteste le 4 Août 1914 contre les arrogantes agressions de son alliée, en déclarant solennelle-nient qu’elle restera neutre. Le 23 Mai 1915, elle est avec nous. Le peuple américain enfin, composé d’éléments de toutes les nations en guerre, a adhéré à votre cause ; et le 2 Avril 1917, jetant dans la balance le poids de son épée, il est parti pour la Croisade, estimant, comme son Chef, que « le Droit est plus précieux que la Paix ».

Traduisez votre reconnaissance par des actes et soyez dignes de l’aide que nous ont donnée nos Alliés. Rappelez-vous sans cesse dans la vie civile que vous êtes les Forces de Demain. La guerre est gagnée ; il faut continuer la victoire. Dans l’ordre spirituel, dans l’ordre intellectuel comme dans l’ordre économique, hommes d’idées, commerçants, ouvriers, cultivateurs, vous lutterez pour que la première place dans le Monde soit à la France. Restez fidèles dans la vie de chaque jour aux principes de Justice, et disons le mot, de Charité, pour le triomphe desquels vous vous êtes battus pendant plus de quatre années. Soulagez les souffrances que vous rencon­trerez parmi vos anciens frères d’armes ; aidez vos camarades mutilés; faites revivre dans la Paix auprès de vous votre union autour du Drapeau qui nous a sauvés du péril. Développez et faites aimer la culture française; assurez son triomphe. Contribuez à renouveler nos méthodes économiques, étudiez celles de l’étranger, et pour cela, au besoin, changez d’air.

Ainsi, dans la mesure de vos moyens, selon votre position sociale, vous ferez mieux connaître la France. Grâce à vous elle restera à la tête de la Civilisation.

H. MARGOT.

Origines de la Guerre

 Le 28 juin 1914, l’Archiduc héritier d’Autriche est assassiné à Sarajevo l’incident pour tous est banal. Il est pour les empires centraux l’occasion depuis longtemps cherchée.

Le 5 juillet, à Postdam, la guerre est décidée, le plan des opérations est arrêté: ce sont les aveux même de l’ambassadeur allemand à Londres, Lichnowsky, dans son fameux « Mémoire ».

Le 22 juillet, ultimatum à la Serbie, où, sous le prétexte que le meurtrier de l’Archiduc d’Autriche est de race serbe, l’Autriche exige dans les termes les plus blessants d’humiliantes réparations.

La réponse conciliante du Cabinet de Belgrade, le 25, la proposition formulée par Londres d’une conférence internationale le 27, ne peuvent empêcher l’Autriche de déclarer la guerre à la Serbie le 28.

Le 31, l’Allemagne annonce sa mobilisation.

La Russie avait prévenu les empires centraux qu’elle ne permettrait pas l’écrasement d’une petite nation et d’un peuple de race slave et avait mobilisé des corps d’armée devant l’Autriche.

La France, liée à elle par des traités, mobilise à son tour.

Le même jour, l’Allemagne déclare la guerre à la Russie, le 3 à la France, qu’elle a sommées de démobiliser.

A la violation du territoire belge, le 2 Août, le Cabinet de Londres riposte le 4 par une déclaration de guerre à l’Allemagne.

Morhange

Quand retentit dans la France surprise le formidable appel "Aux armes", le 79e a déjà quitté Nancy ; tout le 20e corps est sur la brèche sous le commandement du général Foch. Il protège notre mobilisation et surveille la frontière. Tandis que le gros des armées allemandes fond par la Belgique sur nos places du Nord, le Commandant en Chef prescrit une diversion en Alsace et en Lorraine contre l’extrême-gauche ennemie. A partir du 15 août, le 79e, commandé par le colonel Aimé, la bouscule à Réchicourt, à Bezange. Le 19 août, il est devant Morhange, dont les blanches casernes sont là, tout près. Mais les Allemands y résistent sérieusement. Un essai de débordement leur réussit le 20. A partir du 21, l’armée française se replie sur Nancy, et sa ceinture de crêtes. Le 79e protège la retraite à Flainval et à Coyvillers.

De la défense, puis du dégagement de Nancy dépend le succès de la grande bataille que le Commandant en Chef va livrer sur la Marne. Il faut que le pivot tienne.

Le pivot tient. Les 23, 24, 25 août, à l’abri du Grand Couronné et de la Meurthe, les forces françaises se sont réorganisées. Le 26, les armées de Castelnau et Dubail ont repris l’offensive; l’ennemi plie devant elles et le 79e se bat furieusement à Deuxville, à Frescati (le 26 août), à Anthelupt, à Flainval, dans la forêt de Saint-Paul (du 27 août au 8 septembre. Nancy est sauvée et en même temps l’ennemi est vaincu sur la Marne.

Le Régiment est cité à l’Ordre de l’Armée.

En Picardie

 La manœuvre qui suit notre Victoire a pour but de constituer un front défensif en portant jusqu’à la mer l’aile gauche des armées françaises. Le 20e corps, sous les ordres du général Balfourier est transporté en Picardie à La fin de septembre 1914 pour y aider. Le 79e, sous les ordres du lieutenant-colonel Pétin, enlève à l’ennemi, le 25 septembre, tout le plateau de Cappy, Dompierre, Becquincourt, des prisonniers et des canons.

Le 1er octobre, il attaque Maricourt et s’empare du village et du parc. Rappelez-vous le capitaine Lacapelle, de la 10e Compagnie, sous les balles, donnant froidement ses ordres sans vouloir se mettre à l’abri et aussitôt frappé à mort.

Pendant tout le mois, ce sont des combats sanglants devant Maricourt, à Carnoy, puis plus au nord, à Monchy, à Foncquevillers, Gommecourt, combats daims lesquels vous avez montré toute votre valeur. Souvenez-vous du sous-lieutenant Houin, de la 3e Compagnie, qui, le 28 octobre, pour préparer une nouvelle attaque de Monchy, enlève avec sa section, la nuit, par surprise, une tranchée tenue par des éléments de la Garde prussienne. Une vingtaine d’Allemands sont passés à la baïonnette et leurs corps jetés par dessus le parapet. Mais le sous-lieutenant Houin est gravement blessé, sa section est décimée des renforts ne peuvent les joindre. La situation est critique pour la petite troupe: la tranchée conquise est reliée par un boyau avec Monchy occupé par l’ennemi. Il faut pourtant garder cette conquête qui flanque les avancées du village et qui facilitera l’attaque. Le sous-lieutenant, voyant ses hommes épuisés, se fait mettre hors de la tranchée, et malgré ses souffrances, fait le guet lui-même toute la nuit. Par deux fois, l’ennemi contre-attaque le sous-lieutenant Houin crie : « Aux armes » et fait le coup de feu avec les quelques hommes qui lui restent. L’ennemi échoue les deux fois. Le colonel cite à l’ordre la section Houin.

La Maison du Passeur

Au commencement de novembre 1914, le régiment est jeté dans les Flandres, sur l’ennemi qui a repris l’offensive en direction de Calais, pour refouler notre gauche et la séparer de l’armée belge. Quelle nuit encore que celle du 11 au 12 novembre! Il pleut. Les champs de betteraves sont gluants et couverts de flaques d’eau. Il fait nuit noire. Chacun porte une fascine pour traverser l’Yperlée. Quel massacre si l’on attaque! mais il le faut ; il faut en imposer à l’ennemi qui a déjà franchi le canal et qui continuera sa marche demain matin; et derrière le canal, il n’y a plus d’obstacle. Il faut reprendre la « Maison du Passeur »

Notre attaque ne réussit pas, mais elle a dérangé les plans de l’ennemi qui s’arrête.

C’est alors la fameuse campagne de Belgique, du 12 novembre 1914 au 22 avril 1915, devant Saint-Julien, au « Bonnet d’Evêque »,. devant le gazomètre de Langemarck, à l’écluse d’Het-Sas, au pont de Steenstraate, au « Bois Triangulaire ».

Vous vous rappelez ces champs de betteraves inondés, encore encombrés de cadavres, ces fermes en flammes. Les lignes: une unique tranchée envahie par l’eau (ce fut bientôt une avenue) où des alignements de fusils brisés servaient de caillebotis. Pas d’abris. Nous passions des jours et des nuits accroupis sous la toile de tente, retenue par des cartouches fichées dans la terre glaise. Il pleuvait sans arrêt. Des parties de la tranchée étaient abandonnées et formaient des poches d’eau; il fallait sans cesse être au barrage. En avant du gazomètre (réserve inépuisable de charbon) il n’y avait pas de tranchée : un talus de boue étayée par des claies, redressé chaque nuit. Et derrière la première ligne, un fouillis de trous de tirailleurs, de boyaux commencés, de fondrières pleines d’eau et de cadavres.

Quelles relèves ! Chacun emportait en ligne, soit un gabion, soit une planche, soit une claie, à travers ce désert effroyablement plat où les balles vous atteignaient à deux kilomètres. On tiraillait alors sans arrêt. Les sentinelles allemandes tiraient une balle à la minute, il fallait bien leur répondre.

Et les corvées de soupe! On quittait l’a tranchée à la nuit, isolément, en courant, et l’on rejoignait le chef de corvée derrière un pan de mur où les balles faisaient en claquant de petits trous dans la brique. De là, par bonds, on atteignait un pâté de fermes qui brûlaient encore. On traversait en courant des cours sinistres embarrassées de poutres calcinées, de cadavres de porcs. Par des portes entrebâillées, il vous arrivait brusquement une odeur suffocante de chairs roussies en décomposition.

Le « Bois des Cuisiniers », la « Maison des Menuisiers », la route de Poelcapelle, quels souvenirs Il y avait aussi le silo du commandant Salles, la houblonnière du commandant Faure.

A partir de janvier 1915, il y eut quelques améliorations dans l’installation on eut des braseros, des claies en abondance, on vit quelques sacs à terre.

Pendant ces cinq mois, beaucoup de camarades sont tombés. Beaucoup de jeunes de la classe 1914 qui voulaient à tout prix voir les gens d’en face ont été tués d’une balle dans la tête. Beaucoup aussi nous ont quittés évacués pour « pieds gelés ».

Neuville-Saint-Vaast

A la fin d’avril, le régiment descend au nord d’Arras; il doit prendre part à l’offensive de la 10e Armée. Le 9 mai Quelle clarté autour de cette date dans nos souvenirs ! Vous vous rappelez ce paysage la route de Béthune à Arras, large, plantée de grands arbres touffus coupait obliquement les tranchées que nous tenions à l’ouest. Plus haut, sur la route, à la crête, devant la 2e compagnie, le fortin allemand de la « Maison Blanche ». Les tranchées et boyaux traversaient une végétation de printemps. Les blés retombaient le long des parois. Des moissonneuses étaient encore dans les champs. Il restait, en particulier à « Madagascar » où l’on allait par un boyau interminable le long de la route, de riches meules de paille qui nous permettaient un peu de confort dans nos abris.

Pendant les premiers jours de mai, on creusait des boyaux dans la craie. La nuit, on amenait du matériel. Nous vîmes alors les premiers crapouillots. Nous entassions dans des niches des grosses et des petites bombes, apportées sur nos épaules. L’attaque fixée au 8 fut retardée; ce retard nous permit de vêtir sur place nos premières capotes bleu horizon.

Le 9 mai, le temps, pluvieux les jours précédents, s’est levé. A l’heure H, vous sautez dans la plaine. Mais déjà vous ne pouvez plus suivre le commandant De Vissec qui, avec un bâton, mène l’assaut avec ses grandes jambes de cavalier; et très loin en avant vous perdez de vue le pantalon rouge du commandant Claudot. Quelques minutes la « Maison Blanche » tient bon devant notre première vague; elle est enlevée dans un nouvel effort. Quel élan ce jour-là, et quelle confiance dans la Victoire! Douai vous était promis pour le soir : vous courriez sur Douai en lignes régulières de tirailleurs, comme à la manœuvre. Vous vous arrêtâtes, essoufflés, devant le moulin de Tellus. On voyait les ennemis déséquipés, s’enfuir dans les herbes, tout près, au-delà de Thélus, sur la crête de Vimy Chacun regarde de tous côtés: à gauche, on se bat à l’issue nord de Neuville-Saint-Vaast; à droite, dans le « Labyrinthe », personne; derrière, personne. Quelle rage! « Nous avons fait trop vite, les renforts ne suivent pas, les Allemands vont pouvoir se reprendre! »

Et en effet, le lendemain, dès midi, le bombardement commence. Le « Chemin Creux », le boyau de la Vistule sont intenables. Mais où est-on à l’abri ? Le boyau de I’Elbe et le petit poste qui se tapit sur la route d’Ecurie derrière une pile de sacs à terre sont écrasés par les crapouillots et arrosés par les pétroleurs ennemis. Au cimetière de Neuville, le commandant Faure a établi son poste de commandement dans le « Caveau de la Vieille Ville ». L’ennemi tâte nos unités de première ligne les unes après les autres; et le soir de la Pentecôte, à six heures, c’est le grand jeu. Plusieurs fois les vagues ennemies sont brisées devant le moulin. Des tirailleurs qui se glissent dans les hautes herbes sont tués à bout portant. Le château de Neuville est en feu.

Le 26, relève. On se retrouve aux « tas blancs », aux « pylônes », à Mareuil, et le général Balfourier cite le régiment à l’ordre du corps d’armée.

Après quelques jours de repos autour d’Aubigny, lzel-les-Hameaux, Hermaville, Hautes-Avesnes, nous remontons en ligne.

La Butte du Mesnil

Après s’être reformé en Lorraine (Lupcourt), le 79e, appelé à prendre part à une nouvelle offensive, est amené à l’ouest de Valmy.

Le grand souvenir de Kellermann domine comme son menu-ment les ondulations piquées régulièrement de bois de sapins et entre lesquelles se blottissent semis un ciel bas, près de l’eau rare, des villages frileux. Vous serez dignes de vos aînés de 92. Certes, ce n’est plus l’ivresse du 9 mai ; il y a moins de nerfs, mais plus de possession de soi; et le 25 septembre est encore, malgré la pluie, l’apothéose des soldats du commandant Bouffin qui se jettent éperdument sur l’ennemi, disparaissent derrière la « Butte du Mesnil » et ne reviendront pas; de cet officier, qui, avec une poignée d’hommes, s’enfonce jusqu’au chemin de fer de Ripent dans les lignes allemandes reformées, et qui rejoint au soir son bataillon dans le « Ravin des Cuisines » ; de cet autre enfin qui, vers midi, debout sur le parapet, sous une grêle de balles, enlève sa section à l’assaut du « Boyau Z prime » au cri de « En avant ».

Tant de courage, hélas! fut dépensé en vain; il y avait un tunnel sous la « Butte du Mesnil ».

Puis ce fut, pendant près de trois mois, jusqu’au 15 décembre, la vie héroïque de secteur, les coups de main dans la nuit froide, la lutte au couteau dans les boyaux glissants, pour la possession de la Butte. Dans le « Bois au 1/20.000e », ce fut pour chacun de vous, roulé dans un trou, l’attente quotidienne, atroce, où l’on épie les sifflements, où la poitrine vous serre, l’attente de l’écrasement sanglant sous le talus de la tranchée. Ce fut le guet dans la munit, où les heures sont longues... longues, où l’imagination trouble les sens, où l’on entend l’ennemi dans un froissement d’herbes, où on le voit dans un havre-sac éventré. Ce furent les corvées de matériel, à l'"Entonnoir", par le boyau des Walkyries. Ce furent les corvées de soupe par la piste jusqu’au Marson, où des rafales de 150 tombaient, subites, implacables, dans la nuit, parmi le bruit des attelages et les appels, parmi les hennissements des chevaux, parmi le claquement proche de nos 75 et le choc des gamelles. Là, le grand List, de la classe 1892, qui refuse un emploi à l’arrière, est blessé à l’assaut d’un bout de tranchée et écrasé en allant se faire panser.

Et à la fin ce fut l’eau toute-puissante, triomphante, découvrant les cadavres, faisant crouler les boyaux.

Verdun

Le lieutenant-colonel Mangin a remplacé le lieutenant-colonel Pétin, dans le commandement du régiment.

Je n’insiste pas sur la période de repos au sud de Vitry-le-François, ni sur le séjour en Lorraine, auprès de Benney, Lemainville, Burthecourt, Tonnoy, en janvier 1916, ni sur le secteur d’Ecuelle, tenu du 13 février au 5 mars sur la rive gauche de la Seille.

Un drame monstrueux commence, qui va entraîner les peuples à un redoublement du carnage et où l’Allemagne cherche avec opiniâtreté une décision.

Verdun! Quand on connut l’ampleur de la lutte nouvelle, le 20e corps fut appelé à la rescousse.

Après un séjour d’une semaine au sud de Bar-le-Duc, à Combles et Brillon, le régiment monte par étapes vers la bataille. Des files interminables de camions nous croisent et nous doublent dans la boue. Peut à peu on perçoit le roulement de la canonnade. Puis nous entrons dans le bois de Béthelainville. Les nuits sont pénibles. Nous sommes en réserve : il faut à la hâte, sous le bombardement incessant, exécuter des travaux de défense autour d’Esnes. Brusquement dans la nuit du 26 au 27 mars, nous montons en ligne. La relève se fait avec de grandes difficultés; la route de Béthincourt, éclairée par les projecteurs allemands du Mort-Homme, est harcelée par les obus. Tout un bataillon est là en colonnes par quatre. Pas un talus pour s’abriter. Il y a des blessés et des morts.

Tous les soirs, l’ennemi attaque. Tandis que le 2e bataillon tient tête, le 1er bataillon organise au sud du ruisseau de Forges un ouvrage de résistance reliant les ouvrages « Palavas » et « Alsace » et reste sur cette position, qui devient la première ligne, après que le 2e bataillon débordé, rejeté sur le ruisseau, reçoit de l’Armée l’ordre d’évacuer la rive nord. Dans la nuit du 31 mars au 1er avril ce qu’on ne peut enlever est mangé, bu ou brûlé; la ‘Gabionnade » est détruite.

Le lendemain matin, par un beau soleil, après un gros bombardement, l’ennemi attaque sons notre feu le terrain que nous lui avons abandonné.

Jusqu’au 8, il reste nerveux. Il ne peut plus procéder par infiltration; il prépare par un essai de débordement à droite et à gauche une action d’ensemble qui seule lui donnera les passages du ruisseau. Dès lors, le bombardement devient féroce. L’ouvrage de « Romémont » où se cramponnent les bataillons, Béthincourt, la cote 304, les batteries sont écrasés sous des rafales de 210; toute résistance est anéantie.

Et cependant quand les Allemands, le 9 avril, à 12h 30, sautent leur parapet, vous ressuscitez héroïques; vous sortez du sol comme des diables, souillés de boue, sentant la poudre, et vous vous dressez contre les vagues ennemies sans cesse renouvelées. Vous les arrêtez, et elles refluent en désordre vers le nord.

Vers 15 heures, nouvelle attaque ennemie, nouvel échec. La nuit tombe, le bombardement diminue. Vous vous comptez : trois cents camarades ont été mis hors de combat. Si peu nombreux pourrez-vous tenir demain ?

Et le 10 avril, à 11 heures, vous résistez encore; mais bientôt vous n’êtes plus qu’une poignée d’hommes. Toutes les mitrailleuses sont brisées, vous êtes débordés à droite et à gauche: vous ne pouvez plus garder la rive sud du ruisseau de Forges : ce serait un désastre. Et pied à pied, vous vous repliez sur la cote 304. En deux batailles, vomis avez arrêté l’offensive nouvelle contre Verdun; vous avez tenu, selon le mot d’ordre, jusqu’à la mort. Vous méritez hautement la citation à l’ordre du 20e corps qui vous est alors accordée. Mais à quel prix ? — et nul ne reconnaît vos beaux bataillons dans ces groupes boiteux, qui, relevés, traversent sous la pluie Ville-sur-Saulx et Lisle-en-Rigault, le soir du 12 avril.

Offensive de la Somme

Après six semaines de repos au sud d’Amiens, le régiment appelé à prendre part à la prochaine offensive anglo-française, monte le 1er Juin dans un secteur situé entre Maricourt et la Somme. Aussitôt, discrètement, on se met au travail. Pendant qu’on creuse des boyaux, pendant qu’on amène matériel, munitions et vivres près des parallèles de départ et des postes de commandement, une artillerie innombrable de tous calibres fait ses réglages, disperse l’ennemi, écrase ses organisations, fait le vide devant nous. Les trois derniers jours du mois, des tirs habiles d’efficacité, étourdissants, éblouissants, révèlent à la tombée de la nuit le barrage de l’ennemi. C’est la revanche de Verdun. Au spectacle d’une telle préparation votre confiance est sans borne. A l’approche du jour J, vous gardez votre belle gaîté et les jongleries du caporal Bienfait sont dans bien des mémoires

Le 1er juillet, à 7h 30, derrière le brouillard, vous enlevez en vingt minutes le « Bois Y », le ravin, le plateau de la « Ferme Rouge », et vous organisez votre conquête à la hauteur du « Crucifix », objectif final.

Le 5 juillet, vous arrachez Hem. Le 6, vous repoussez une contre-attaque qui menace Curlu et vous tenez jusqu’au 13.

Après quelques jours de détente à l’arrière, vous montez au sud de Maurepas, semis les ordres du lieutenant-colonel Rousseau, pour continuer la poussée: Il s’agit de déborder le village qui résiste à toute attaque. Il faut enlever la tranchée de la Lipa et le nœud de boyaux qui flanquent ce bastion. Plusieurs fois vous bondissez. L’ennemi sans cesse vous repousse. Tenaces, vous revenez à la charge et le 9 août, à 13 heures, vous brisez enfin cette résistance.

Vous avez bien mérité ces trois mois de repos que vous allez passer au bord de la mer près de Dieppe, puis au sud d’Amiens autour de Thieulloy-l’Abbaye et de Fourcigny.

Et lorsque vous remontez en ligne, ce n’est que pour quelques jours, afin d’organiser le secteur au nord de Rancourt, où les Anglais vous relèvent dans la nuit du 8 au 9 décembre.

En Lorraine

Du 15 décembre 1916 au 14 janvier 1917, vous êtes au « Camp de Saffais ». — Du 17 janvier au 1er février on vous charge de la défense de Pont-à-Mousson. Confiante en vous, la petite ville continue de vivre, pendant que vous montez la garde à Lesmesnils et au Signal de Xon. L’ennemi posté aux dernières maisons voit passer sur le pont de la Moselle, derrière les gabions, des femmes qui vont aux achats, derrière les vitres de l’hôpital, de blanches religieuses qui soignent nos blessés. On chemine doucement dans les rites sur la neige, sous les arcades de la Place Duroc.

Cependant, il faut prévenir une offensive allemande toujours possible contre Nancy. Le régiment, retiré du secteur, travaille à des organisations défensives. Pendant un mois et deuil vous creusez des tranchées au bois du Juré, vous préparez des emplacements de batteries à Sainte-Geneviève, à Ville-au-Val, à Serrières, vous installez des voies de 0m60 au Col de Millery. Vous faites des abris de bombardement à Malleloy.

Au Chemin des Dames

Mais vous méritez un rôle plus glorieux, et vous partez en camions-autos pour Château-Thierry, afin de participer à l’offensive du général Mangin dans l’Aisne.

Il pleut. Les routes sont défoncées. Les convois restent dans les fondrières. Vous montez, la nuit, par Hartennes-et-Taux, Maast-et-Violaine et Courcelles, à travers les plateaux crayeux du Soissonnais, vers le champ de bataille.

Le 16 avril, à 0h 30, l’offensive est déclenchée. Le régiment suit en colonnes d’escouades par Bourg-et-Comin. Il arrive à la hauteur de Verneuil, quand il reçoit l’ordre d’attendre sur place le Chemin des Dames n’est pas encore enlevé. Pendant tout l’après-midi les bataillons massés dans les bois de Courtonne sont bombardés sans arrêt par des obus de gros calibre. Le soir ils reviennent à. Vauxtin et: Dhuizel.

Le 20 avril vous prenez les lignes. Accrochés au rebord sud du Plateau des Dames, de l’autre côté, de l’inoubliable ravin des Grelines « le Ravin de la Mort », non seulement vous narguez l’ennemi qui n’aurait pas de peine à vous jeter à bas, niais vous vous préparez à lui enlever le plateau. Et en effet, le 5 mai, d’un bond vous atteignez la ferme Malval et vous dominez l’Ailette.

Malheureusement, dans les creutes, contre quoi l’artillerie fut impuissante, des troupes légères de contre-attaque se sont massées, qui sautent sur vous, avant que vous ayez pu souffler, qui vous reprennent la tranchée du Pigeon et vous rejettent dans la tranchée du Vautour.

Votre courage ne méritait pas cet insuccès. Vous laissiez tous vos morts à l’ennemi, en particulier le corps dit sous-lieutenant Poudérou, parti à l’assaut, en tunique, rasé de frais, des fleurs à là boutonnière.

Ici, je veux vous rendre cette justice que l’échec de l’offensive de l’Aisne n’a jamais abattu votre moral. Elle n’a pas eu de prise sur vos âmes d’airain la propagande sournoise par laquelle l’ennemi a tenté de nous désorganiser et de nous arracher la victoire. Vous n’avez pas proféré une plainte et vous gardiez entière votre foi en la France. Il est vrai que vous aviez pour la soutenir l’espoir de l’aide américaine, espoir que devait justifier la rapidité avec laquelle cette aide s’est fait sentir ([1]).

En Lorraine

Le lieutenant-colonel Margot prend le commandement du régiment.

Je passe rapidement sur l’occupation successive des secteurs de Bouxières-aux-Chênes et de Jeandelaincourt. Vos patrouilles nocturnes dans la presqu’île d’Arraye-et-Han, le long de la Seille, au pont de Bioncourt, sont la plupart pacifiques. Quelques embuscades vous réussissent; et il vous arrive de saisir, à la nuit, dans les roseaux, des groupes ennemis qui se sont aventurés en deçà de la rivière.

C’est la saison des fruits: On fait du jardinage à Fleur-Fontaine, à Quercigny, ailleurs encore. Vous pêchez dans l’étang de Brin et les baraquements de la forêt de Champenoux abritent sous des frondaisons épaisses votre vie tranquille.

En position de réserve, vous travaillez à des dépôts de munitions, à des caniveaux téléphoniques, à la réfection du camouflage, à la pose de réseaux dans les bois, à la création et réfection d’ouvrages défensifs.

A Samogneux

Enlevé de Lorraine, le régiment prend le 1er janvier 1918 le secteur de Samogneux au nord de Verdun. Reconnaissez au loin à gauche, la cote 304 où vous avez arrêté l’ennemi il y a deux ans; puis mettez-vous au travail.

La bataille vient de finir, qui en trois temps a dégagé Verdun et repris à l’ennemi la plus grosse partie de ce qu’il avait enlevé en 1916. Toute la première ligne est à faire. Vous reliez les trous de tirailleurs par une tranchée continue. Vous jetez en avant des hérissons, des chevaux de frise; vous entremêlez des réseaux « Brun »

Vous creusez derrière cette première ligne des parallèles de résistance. Vous organisez l’issue nord de Samogneux. Vous créez des boyaux. Pendant trois mois et demi, dominés par les positions allemandes du bois des Forges, vous menez une vie obscure, pénible, sous la neige, dans l’eau, par le froid, dans une atmosphère empoisonnée par l’ypérite, sous les rafales de l’artillerie. Même à l’arrière, à Montgrignon ou à la caserne Niel, vous avez à peine le repos que vous allez y chercher périodiquement.

Vous faites une guerre plus active aussi, et la nuit vous harcelez l’ennemi qui vous le rend d’ailleurs. Il n’aura pas « Tipperary » qu’il attaque sans cesse. Il bombarde Samogneux, le ravin des Cotelettes, les abris M. D. de la cote du Talou : vous faites tirer impitoyablement sur les « casernes de la Meuse ». Il rend infranchissable le carrefour de Vacherauville vous faites barrer tout-à-coup la route de Brabant où passent son matériel et ses vivres.

Vous n’oublierez pas les périls courus, les souffrances endurées pendant trois mois devant Samogneux. N’oubliez pas non plus les exemples de courage et d’endurance que vous avez eus autour de vous. N’oubliez pas l’héroïsme du sous-lieutenant Desjardins, de la 9e Cie, qui ramène dans nos lignes, sur son dos, un de ses hommes grièvement blessé.

Au Mont des Cats

Après quelques jours de repos aux confins de l’Argonne, vous montez dans les Flandres. Là aussi, la bataille vient de finir. Les Allemands voulaient Calais et nous jeter à la mer ; ils semblent arrêtés définitivement au Kemmel et aux lisières de Bailleul. Mais il faut prévenir un nouvel assaut. Il faut à tout prix garder le Mont des Cats et pour cela en organiser le glacis; ce sera votre tâche pendant tout le mois de mai.

Ce n’est pas le paysage dévasté du champ de bataille de Verdun. - Berthen, Boeschepe, Godewaersvelde sont de coquets villages à peine démolis ; et c’est seulement quinze jours après notre arrivée que les Allemands abattront, à coup de 210, le monastère du Mont des Cats, incrustant dans le ciel bleui, au-dessus de ses briques rouges, les deux flèches noires de son église. N’y a-t-il pas jusque tout près des lignes, des fermes encore habitées? Et puis c’est le soleil, et c’est le printemps avec son cortège de verdure fraîche, d’oiseaux animant les buissons épais.

Hélas ! l’ennemi veut rendre intenable ce joli coin de France, et quand le régiment est en première ligne, à partir du 6 juin, Boeschepe, le carrefour de Piedbrouck, le Purgatoire, le « Chemin des Batteries », la Croix-de-Poperinghe le Mont Noir sont écrasés sans répit. Comme à Verdun, l’atmosphère est ypéritée et beaucoup d’entre vous sont intoxiqués. Mais parmi les gaz, sous les obus, malgré les menaces d’offensives transmises par les déserteurs ennemis, vous gardez votre sourire et votre cran.

Batailles de la Marne et de Reims

Cependant la confiance du commandement vous appelle à de plus glorieuses destinées. L’ennemi secoue ses chaînes. Il a ramassé toutes ses forces pour briser notre étreinte. Il s’élance innombrable. En un coup de main énorme, soudain, irrésistible, il compte broyer nos armées, et dans Paris écrasé, mis à sac, dicter sous la terreur la « paix du poing ». Mais voici que sur les rives funestes de la Marne la victoire l’abandonne et change de camp. Vous entrez alors clans la bataille et vos phalanges infatigables poursuivent l’ennemi le 20 juillet jusqu’aux collines boisées de Vandières-sous-Châtillon

Puis vous laissez à d’autres la garde de la rivière et vous montez défendre la cote 240, où il semble que les Allemands veuillent déborder Reims et, en inscrivant dans leurs fastes son nom riche d’une gloire plus que millénaire, rattraper la Fortune qui les fuit.

Elle vous reste fidèle à vous, la Fortune, le 25 juillet. Dans une lutte épique où vous étiez assaillis en face, à droite, à gauche, vous avez résisté à 7 heures, à 18h 30, à l’assaut général et toute la journée à l’infiltration ennemie. Sachant que lâcher ces crêtes, c’était livrer Reims, vomis ne vouliez pas que l’ennemi passe: il n’est pas passé.

Par un bombardement inimaginable les Allemands avaient fait du bois de Vrigny et de ses approches un véritable volcan.

Vous y restiez, tirant sans arrêt sur les vagues d’assaut; et vos camarades du 3e bataillon se portaient par là à votre secours en pleine vue de l’ennemi. Sous un feu intense vous gardiez votre calme, et l’on ma cité l’un de vous, qui, au cours de la préparation de l’artillerie, est monté debout sur le parapet et a crié par deux fois aux Allemands « Allongez le tir ».

Le 3e bataillon vous vengeait le 29 juillet d’un seul bond il atteignait tous ses objectifs au nord du bois de Saint-Euphraise et dégageait la cote 240.

Le régiment est cité à l’ordre du 1er corps colonial.

Les mois d’août et septembre vous sont moins pénibles. Vous avez la garde des passages de la Vesle devant Ormes et Tillois (du 30 août au 7 septembre), puis devant Vrigny et Gueux du (8 au 30 septembre). Vous reprenez la vie de secteur. La nuit corvées, travaux, patrouilles le long de la rivière, en direction de Maretz ou du Moulin Compensé. En dépit du bombardement incessant de quelques points de passage obligés, malgré la chaleur fatigante, vous gardez un moral élevé; car la bataille que vous entendez à votre gauche est, vous le savez, à notre avantage. Pied à pied les divisions voisines reprennent ces plateaux qui commandent l’Aisne, et vous prévoyez que l’ennemi ne pourra plus tenir longtemps à Saint-Thierry.

Et en effet, le 1er octobre au matin, vous reprenez contact avec l’arrière-garde allemande. Par vos harcèlements vous précipitez sa retraite au-delà de Châlons-sur-Vesle et des bois de Chenay. Vous brisez sa résistance sur le plateau de Saint-Thierry et ce n’est qu’à l’abri du canal de L’Aisne qu’elle réussit à contenir votre élan.

Le 5 octobre, l’ennemi continuant son mouvement de repli, vous le suivez de près. Il a lâché le fort de Brimont. Ses dépôts de munitions sautent dans le massif de Nogent-l’Abbesse, et un peu partout dans la plaine. Il a mis le feu aux villages, aux fermes. Vous le pourchassez, et le soir, vous avez atteint la Suippe à Aumenancourt.

Vous passez ensuite en réserve autour de Bourgogne.

Villers-le-Sec

Bientôt, par voie ferrée, vous gagnez la région de Compiègne; puis, après un temps d’arrêt, par de longues étapes fatigantes, le sud de Ribémont. L’ennemi a abandonné l’Oise et la boucle qu’elle forme avec la Serre, mais il entend tenir la ligne Villers-le-Sec, Catillon-du-Temple. S’appuyant à la Sucrerie de Ribemont, il vous résiste le 21 et le 24. Le 25, à 6 heures, vous l’emportez. Vous enlevez la forte position de Villers-le-Sec, de nombreux prisonniers, un matériel considérable.

Par deux fois vous avez craint d’être obligés de lâcher votre conquête. Vous n’étiez plus en liaison à droite, et l’ennemi s’accrochait à gauche à la voie ferrée. A peine êtes-vous rejoint par vos voisins de droite que l’ennemi prononce à 10h 10 sur vous et surtout sur eux une violente contre-attaque. Vous tenez bon dans le village et la situation est rétablie à 12 heures.

Là, votre camarade Miel s’était fait bravement tuer avant d’atteindre les lisières de son village natal.

Vous êtes cités à l’ordre de l’Armée.

Sa charnière ayant sauté, l’ennemi aussitôt se replie sur la route nationale de Valenciennes. Vous l’y suivez par Pleine-Selve, par les fermes Villancey, Torcy, et Saint-Remy, par Landifay, malgré ses harcèlements nourris.

A partir du 5 novembre, vous continuez la poursuite par Audigny, Sorbais, Wimy.

Dans la soirée du 7 novembre, vous recevez le message suivant:

Par ordre de  l'Armée, on devra cesser le feu au Nord de la ligne Froid Estrées, Mondanités, en vue de faciliter le passage des parlementaires. — Cet ordre est valable depuis réception jusqu’à minuit. — On peut continuer à avancer sans tirer. »

Et vous avancez toujours, ne laissant pas à l’ennemi désemparé le temps de reprendre haleine et payant, hélas, de votre sang jusqu’à la dernière minute la joie triomphale de libérer le sol national et de délivrer de malheureuses populations si longtemps opprimées.

A Mondanités, le 11 novembre au matin, on vous communique:

« Par ordre du Maréchal Foch :

1° — les hostilités sont arrêtées sur tout le front à dater du onze novembre, onze heures (heure française);

2° les troupes alliées ne dépasseront pas jusqu’à nouvel ordre ligne atteinte à cette date et à cette heure »

Les armées allemandes, acculées aux Ardennes, ont demandé grâce, afin d’éviter un désastre.

CITATIONS OBTENUES PAR LE 79e REGIMENT D’INFANTERIE

Ordre n° 110 de la 11e Armée en date du 29 septembre 1914

Ordre n° 101 du 20e Corps d’Armée en date du 23 mai 1915

Ordre n° 214 du 20e Corps d’Armée en date du 4 mai 1916

Ordre n° 63 du 1er Corps d’Armée colonial en date du 14 août 1918

Ordre n° 171 de la 1ère  Armée en date du 15 novembre 1918

LES GRANDES DATES DE LA GUERRE

1914.

16-25 Août

Avance russe en Allemagne (Prusse orientale).

 

21-24Août

Bataille de Charleroi.

 

22-Août-9 Sept.

Grand Couronné de Nancy.

 

6-13 Septembre

Bataille de la Marne.

 

2-7 Novembre

La Turquie entre dans la guerre.

1915

7 Mai

Torpillage du « I.usitania »

 

9 Mai-18 Juin.

Bataille d’Artois.

 

23 Mai

Déclaration de guerre de l’Italie à l’Autriche.

 

2-3 Octobre

Débarquement des alliés à Salonique.

 

5 Octobre

La Bulgarie entre dans la guerre.

1916.

21 Février-15 Déc.

Verdun.

 

17 Juillet- 18 Oct.

Bataille de la Somme.

 

Septembre

La Roumanie entre dans la guerre.

 

21 Novembre

Mort de François-Joseph, avènement de Charles 1er.

 

12 Décembre

Général Nivelle nommé généralissime.

1917.

15 Mars

Abdication de Nicolas II, tsar de Russie.

 

19-24 Mars

Repli d’Hindenburg sur la Somme.

 

6 Avril

Les Etats-Unis entrent dans la guerre.

 

16 Avril - Juillet.

Bataille du Chemin des Dames.

 

15 Mai

Général Pétain nommé généralissime.

 

12 Juin

Abdication de Constantin, roi de Grèce.

 

16 Novembre.

Ministère Clémenceau.

1918.

3 Mars

Paix de Brest-Litowsk entre la Russie et l’Allemagne.

 

21 Mars

Attaque allemande en direction d’Amiens

 

23 Mars

Premier bombardement de Paris.

 

30 Mars

Le général Foch nommé généralissime des Alliés d’Occident.

 

9 Avril

Attaque allemande en direction d’Hazebrouck.

 

7 Mai

Paix de Bucarest entre la Roumanie et l’Allemagne.

 

27 Mai

Reprise du Chemin des Dames par les Allemands.

 

9 Juin

Attaque allemande vers Compiègne.

 

15 Juillet

Offensive allemande de Champagne.

 

18 Juillet

Contre-offensive française.

 

15-27 Septembre.

Défaite bulgare.

 

30 Septembre

La Bulgarie capitule.

 

31 Octobre

La Turquie capitule.

 

3 Novembre

L’Autriche capitule.

 

6 Novembre

L’Allemagne nous envoie des parlementaires.

 

10 Novembre.

Fuite du Kaiser en Hollande.

 

11 Novembre

Signature de l’armistice.

 

12 Novembre.

Abdication de Charles Ier, empereur d’Autriche.

 

[1] Suivant de récentes déclarations de Maréchal Foch, -au mois de mars 1918, l’Amérique, nous envoyait 69 000 hommes — en avril 94 000; — 200 000 en mai; — 241 000 en juin;— 295.000 en juillet; — 235 000 en août. Les effectifs américains passaient de 300 000 hommes au 11 mars 1918 à 914.000 en juillet , et 1 700 000 en octobre.

 

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